Franse vertaling / traduction Française

 

El País – Ed Cataluña 12-01-2008

Le Métèque en Catalan

Il fait partie de la tradition hivernale barcelonaise, comme les soldes d’hiver des grands magasins, “l'escudella i carn d'olla” de Noël ou le “caganer”  du râtelier. On pourrait penser qu'il s'agit simplement d'un concert, mais ce n’est pas vrai, la visite annuelle de Georges Moustaki est beaucoup plus qu’un concert, c’est tout un rituel, une cérémonie mystique. C’est comme ça que les adeptes inconditionnels vivent l’évènement : on remplit le Palau à craquer.
Le jeudi passé la cérémonie s'est répétée. Le Palau était plein. Il y avait des des chaises même sur la scène et l'enthousiasme contagieux était la note prédominante de la soirée. Il était là, Moustaki éternellement habillé en blanc, entouré des musiciens de toujours, avec le même répertoire de toujours, les mêmes accords et la même interprétation. Uniquement les problèmes de voix de l'auteur interprète et une version en catalan du « Métèque » ont cassé la routine.
Liturgie
Une routine qui, comme un texte liturgique, se répète une année après l’autre et dans laquelle personne n’attend pas d’échange aussi petit qu’il soit. Qu'est-ce qu’il arriverait si Moustaki annonçait un concert avec un répertoire totalement nouveau ? Est-ce que son public serait séduit par la curiosité ? ou ce sont uniquement la nostalgie et les souvenirs (très souvent la même chose) les dernières cartes qu’il a en jeu ?  Ça sera difficile de le savoir parce que l'auteur interprète compose sans se presser. Il y a tout au plus deux ou trois nouvelles chansons à chaque visite et normalement elles passent à peu près inaperçues du public.
A cette occasion c’eut été pareil si Moustaki n'avait pas eu besoin des lunettes pour lire les nouveaux textes placés sur le pupitre. Pendant deux heures l'auteur interprète, plutôt le maître ou l'officiant du rituel, a parcouru tout son répertoire habituel, en sauvant de l'oubli des chansons de grande beauté et de fort contenu émotif que son public a reçu comme on reçoit une douche d’eau froide en plein desert. Ma liberté, Ma solitude, 17 ans, Il y avait un jardin, En Méditerranée furent chantées d'une part du public en compensant avec leur chaleur les versions fatiguées actuelles de son créateur.
Moustaki a commencé le temps des bis avec une version du Métèque en catalan et l’ ovation qui a suivi était une de celles qui rentrent dans les archives.
Le Palau vibrait et Moustaki a annoncé qu’il reviendra l'année prochaine. Alors, au 2009.

Par Miquel Jurado


Vilaweg – El Punt Digital, 12-01-2008

«Métèque» nostalgique
La vie tourne tant que tout un métèque comme Georges Moustaki a fini par être un emblème de l'un des festivals barcelonais le plus liés à une image de luxe et d'exclusivité : Le Festival del Mi·leni. Moustaki, à 73 ans, se produit – ainsi que Maria Dolores Pradera - un an après l'autre avec une régularité peu bohéme. Et son pouvoir de convocation se maintient encore intact : l'auteur interprète alexandrin s'est présenté devant un Palau plein, avec un public fidèle qui revient et qui constate chez son artiste admiré une voix extrêmement fatiguée et manquant de tonus, une présence éteinte, un manque de concentration évident et une fragilité sur la scène de celles qui font souffrir.
Face aux limitations que le pas du temps impose, Moustaki doit jouer tout à la carte de la nostalgie. Donc, il s'accroche aux textes les plus célèbres de son répertoire, des textes avec lesquels plus d'un des présents dans la salle a appris le Français : Ma liberté, Il y avait un jardin, Ils est trop tard, En Méditerranée...
Le chanteur a déployé encore une fois les poèmes avec son parcours imaginaire : le pacifisme, l'amour, la liberté et le regret d'une enfance liée à son paradis perdu, une Alexandrie joyeuse et cosmopolite au bord d’une chaude mer.
Toutes ces chansons ont franchement sonné pâles et effacées, mais le public les a écoutées et les a chantées telles qu’on les a en mémoire. Parce que moustaki est un morceau d'histoire; il peut se permettre le luxe d’invoquer des compagnons de voyage majuscules, comme Manos Hadjidakis, Luis Gonzaga, Jorge Amado, Astor Piazzolla, Paco Ibáñez....... et pas tout le monde peut se vanter d'avoir composé Milord pour Edith Piaf.
Au Palau de la Música soutenant comme il pouviat la fragilité de Moustaki, le quatuor dirigé par le guitariste brésilien Toninho do Carmo (qui s'est marqué une version savoureuse d'Asa Branca Bahia) a accompagné le soliste avec suffisance et sans stridences, en accord avec le ton général et prévisible de la nuit.
La mise en scène se complétait avec un buzuki grec, que personne n'a joué pendant tout le concert, et des dizaines de spectateurs disposés derrière les musiciens, au style des meetings politiques. En un geste vis-à-vis de la galerie, Moustaki a fini par chanter en catalan Le Métèque (la première chanson avec laquelle il s'est présenté et celle qui est restée définitivement à la première place de ses succès) et La marche de Sacco et Vanzetti. Ceux-ci furent les moments les plus forts du concert où Moustaki, vénérable et tout de blanc vetu, s'est éloigné du présent pour pénétrer le terrain des souvenirs et de la nostalgie.

Par Jordi Martí



El Periodico 14, 13-01-2008

Moustaki
Georges Moustaki poète interprète est revenu à Barcelone, au Palau de la Música, et il s’est présenté, comme depuis des années, vêtu de blanc. Moustaki nous arrive chaque fois un peu plus transparent, avec un peu plus de regard. Cet Alexandrin a le geste doux, apaisant et sage et son regard est de plus en plus perçant. C’est un regard comme celui du prophète qui ne veut pas être prophète mais qui equand même un prophète. On nous raconte que maintenant notre meilleur juif errant s’inspire de René Char, le poète qui se coiffait les cheveux en avant et à qui il suffisait d’aller : “Certains se confient à une imagination toute ronde. Aller me suffit”.
Pour beaucoup de nous Moustaki fait partie de ce que nous étions quand nous ne portions pas encore de montre bracelet. Et nous avons appris beaucoup de choses de lui. Nous avons appris par exemple qu’il n’y a pas de meilleure chansonque le mois de Juin. Et que nous ne sommes jamais seuls si nous vivons avec notre solitude. Tout ce qui a à voir avec la solitude – mot du quel certains artistes abusent – on l’écoutait mais on ne lecomprenait pas. Maintenant seulement, nous le comprenons. Maintenant, quand Moustaki nous vient avec plus de présence etd’expression que de voix.
Les concerts de certains auteurs interprètes, comme Moustaki,  ont un seul problème:
C’est de se trouver à côté de quelqu’un du même âge, on dirait la cinquantaine, qui est allé écouter « Le métèque » en compagnie de sa nouvelle conquête. C'est lorsque votre voisin de fauteuil - et d’âge – commence à raconter à sa copine que Moustaki s’habille en blanc parce qu’ il y a longtemps qu’une sorcière Brésilienne (ou quelque chose dans le genre) lui a conseillé, que notre concert s’abîme.
Et on nous l’abîme parce que la copine, qui est dans la vingtaine, lui répond que si Moustaki s’habille en blanc c’est parce que le blanc rajeunit. Et cela dure pendant tout le concert….
Certains de nous vont écouter ou voir Moustaki pour se souvenier de ce que nous avons été. Pour se souvenir de ces bons moments qui n’ont peut être pas existé, mais ça ne fait rien, avec les années nous sommes convaincus que nous les avons vécus. Et ça c’est qui est important. Temps de vivre.
Moustaki, l’Alexandrin, a beaucoup aidé certains de nous.
Et c’est ça que compte.

Par San Augustín


Avui, 12-01-2008

La même langue
Chaque fois que je vais à un concert de Georges Moustaki je ne peux pas éviter de me souvenir des jours d’école. L’après midi, trois fois par semaine, le maître de Français entrait avec le tourne-disques sous le bras et faisait tourner des LP qu’aucun élève ne connaissait. Le maître distribuait des photocopies avec les paroles des chansons et fermait les yeux, en paressant enivré par les mélodies. Moustaki était l’un de ses chanteurs favoris pour faire la digestion du déjeuner. Franco n’avait pas encore tourné de l’oeil. Cet artiste photographié sur la pochette du disque nous fascinait à cause de son aspect féroce, sa barbe biblique et ses yeux affilés qui contrastaient avec la délicatesse romantique de ses chansons. Grâce à ces vieux disques de vinyl, nous avons appris un Français macaronique qui, dans mon cas, a servi tout au plus à comprendre les textes que nous traduisions avec un dictionnaire de mots censurés. Heureusement, trois décades après avoir terminé l'école, Moustaki reste fidèle aux mêmes chansons : Il y avait un jardin, Ma solitude, Le temps de vivre, Ma liberté, Il est trop tard et, évidemment, Le métèque. Et c’est grâce à cette obstination interprétative, que, pendant les presque deux heures du concert, j'ai récupéré la sensation que lui et moi partageons la même langue. Après l’avoir vu sur scène une vingtaine de fois, on arrive à la conclusion que Moustaki ne serait pas celui qu’il est s’il ne chantait pas son répertoire éternel.
Ce répertoire qui s’est agrandi, depuis les jours d’école, avec des versions de Hadjidakis et Theodorakis ou d’autres chansons qui ont bien réussi avec le temps. S’il ne faisait pas ça, s’il oubliait son répertoire de toujours, alors probablement il ne créerait pas l’attente qu’il éveille. Il s’est produit, cela fait un an à peine, au Palau de la Música et jeudi soir il a rempli la salle jusqu’aux orgues. Ils ont vendu tellement de places que l’organisation du Festival del Mil·leni a du rajouter des sièges sur la scène. C’est que des fois nous avons l’air de gamins : quand quelque chose nous plaît on va le revoir jusqu’à s’en rassasier. Ce qui découle du nouveau succès du patriarche Alexandrin c’est qu’il a encore de l’énergie pour longtemps. Même si à cette occasion il s’est lancé à avancer quelques thèmes de l’album qu’il prépare pour l’automne prochain. Quand il les a chantés automatiquement je ne parlais plus sa langue. Ce n’est pas la même chose.
C’est toujours bon de se renouveler, mais c’est alors que surgit un autre Moustaki : un artiste assoupi qui joue avec une économie totale de mouvements. Qui pointe son regard affilé sur un point indéterminé du parterre, gratte sa guitare avec le pouce et récite avec un filet de voix qui des fois se casse plus qu’il le faut.
Malgré notre admiration c’est comme ça. On a pu voir deux Moustakis différents au Palau : Celui qui nous est familier à l’ouie et celui que nous ne connaissons pas. Mais comme le troubadour est un vieux renard et sa barbe est sage, il remet vite les choses à leurs places avec Le métèque en catalan. L’explosion a été anthologique. Et tout le monde, sauf les muets, a chanté. Un peu plus tard il disait « au revoir » avec Kaïmos , une chanson d’arômes grecs enregistrée en 2000. Et, lorsque je descendais l’escalier moderniste, je me suis senti quand même satisfait de ma connaissance de la langue française.

Par
J.M. Hernández Ripoll



Merci Laura