Interview de Georges Moustaki
par Marc Bihan
7 juin 2010

Entretien avec Georges Moustaki

Que pensez-vous de la nouvelle chanson française, des chanteurs tels que Cali, Bénabar, Benjamin Biolay,
Jeanne Cherhal et autre Olivia Ruiz ?
Chacun d’eux – et bien d’autres - a d’indéniables qualités. J’ai un lien avec certains d’entre eux et un faible pour Sansévérino.

Vous aimeriez écrire pour des artistes de cette nouvelle génération ?
Oui. J’ai écrit avec Delerm. C’est une question de circonstances. Nos sensibilités sont compatibles.

Comment expliquez-vous que ce sont toujours les mêmes qui monopolisent les médias, et que des artistes de
grand talent tels que Loïc Lantoine, Allain Leprest, Christian
L’ombre est plus respectable que les projecteurs des émissions ineptes (pour la plupart). Pour ma part, je ne cours pas
après les médias.
Je ne me lamente pas de m’y faire rare. Tant pis pour les producteurs qui se privent de programmer les
talents que vous citez. Consolez-vous, la télévision pourrait tuer.

Nous sommes très loin d'une génération d'artistes tels que vous, Brel, Brassens ou Ferré. Qui voyez-vous comme relèves ?
Entre parenthèses, ces artistes n’étaient pas des bêtes de promotion. Ils ont existé et durent encore par la dimension de leur
personnalité et de leur art. La relève est impossible à imaginer, chaque génération engendre les chanteurs qu’elle mérite.
Brel, Brassens, Ferré ou Barbara n’obéissaient pas aux critères commerciaux, mais ils étaient en phase avec leur époque.

Que pensez-vous de l'industrie du disque aujourd'hui ?
L’industrie du disque est en plein désarroi à cause des nouveaux supports technologiques. Je n’ai de relations qu’avec des
individualités humaines (c’est-à dire pas des bureaucrates) parmi les gens de la profession. L’industrie est un monstre inhumain,
dans tous les domaines. Depuis toujours. Pourtant dans les maisons de disque il y a de vrais amoureux de leur métier, de la
musique et du spectacle. Ils ont du mal à se faire entendre. Mais il y arrivent parfois fort heureusement.

Il n'y a plus la place pour le talent, seules les ventes de disques comptent, vous ne trouvez pas incroyable que
des gens comme Alain Chamfort ou Nougaro soient remerciés car ils ne vendent plus assez ?
C’est lamentablement normal et de bonne guerre. Il en a toujours été ainsi. Ceux qui gèrent les maisons de disque ont des
objectifs purement matériels. Quand ils produisent un chanteur ils en attendent un bénéfice.

Comment sont vos rapports avec votre maison de disque ?
Depuis qu’elle a quitté la Place des Vosges j’ai des rapports épisodiques. Entre deux albums il est rare d’avoir des occasions
de se voir.

Vous qui avez eu votre première carte de séjour le 12 novembre 1951, et qui vous considérez comme un citoyen du
monde, que pensez-vous du débat en France sur l'identité nationale? Des reconduites à la frontière ? Des idées
d’Éric Besson sur l'immigration ?
Je suis en parfaite empathie avec ceux qui subissent les tracasseries. Besson est dans une tradition répressive parfaitement
réactionnaire et je combats ses idées.

Quel regard portez-vous sur l'état de la France après ces quelques années d'ultra libéralisme ?
Un regard consterné.

Vous avez soutenu Ségolène Royal lors des Présidentielles de 2007, vous ne le regrettez pas ?
Pas un instant, le choix était clair.

Prendrez-vous parti pour un candidat en 2012 ? Et qui voyez-vous le mieux placé pour représenter la gauche ?
Je ne suis ni visionnaire ni politologue. Je voterai au plus près de mes convictions.

Ce n'est pas risqué pour sa carrière quand un artiste s'engage politiquement ? Je pense à Faudel, Doc Gynéco
ou encore Christian Clavier qui ont payé cher leur soutien à Nicolas Sarkozy.

Je me sens tout à fait libre dans mes engagements, sans penser aux conséquences pour ma carrière et sans être un militant pour autant.

Le parti communiste a perdu un de ses plus célèbres partisans avec la disparition de Jean Ferrat, vous le connaissiez bien ?
Nous nous sommes connus dans nos débuts dans les années 50. Il était resté de l’amitié et de l’estime, mais nous avions peu
d’occasions de nous voir.

Il y a une certaine nostalgie quand on voit partir les plus grands de la chanson française ?
C’est vrai pour ceux que j’ai bien connus les grands et les moins grands et qui me manquent.
Heureusement ils restent vivants dans nos mémoires et par leurs œuvres.

Renaud a chanté « Mon bistrot préféré », une chanson sur les personnes qu'il aimerait retrouver au paradis : Reiser,
Coluche, Gainsbourg, Dimey, Doisneau etc...
Vous, qui aimeriez-vous revoir là-haut ?
Tous ceux que j’ai aimé, inconnus ou célèbres.

D'ailleurs cette chanson est un plagiat de votre chanson « Les amis de Georges », il vous a demandé l'autorisation ?
Je ne connais pas la chanson de Renaud.

Vous avez sûrement de nombreuses chansons de côté, à quand un nouvel album ?
Je n’envisage pas de nouvel album dans les prochains mois. Les muses en décideront.


Publié avec permission de Marc Bihan
Lien original
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